Homélie du P. Gerard Timoner, Maître de l'Ordre,

pour la Messe de conclusion du Chapître de la Province "B. V. del Rosario" d'Italie

28 Août 2020

 

Nous sommes réunis autour de la Table Eucharistique, la table du remerciement, afin de rendre grâce au Seigneur pour les dons reçus spécialement au cours des deux dernières semaines. Remercions Dieu pour le don du leadership dans votre province. Nous avons débuté notre voyage dans ce chapitre provincial avec la réponse de Pierre à Jésus :  “Maître, nous avons travaillé toute la nuit sans rien prendre; mais, sur ta parole, je jetterai le filet”. (Luc 5,5) Donc, après deux semaines vous avez pêché beaucoup de poissons? Il y a deux semaines nous avons prié pour que le Seigneur vienne dans votre “barque”, que le Seigneur vous accompagne dans votre discernement et dans vos décisions. Aujourd’hui nous remercions le Seigneur pour les grâces que vous avez reçues durant ces jours.

L’Evangile que nous avons écouté présente une image très intéressante. C’est l'unique passage de l’Evangile qui nous dit que Jésus sait cuisiner! Il préparait le petit-déjeuner pour les apôtres qui revenaient de la pêche. Ceci est arrivé à un moment où l’espérance des disciples d’un Messie glorieux était brisée. Jésus était mort sur la croix. Il y a 3 ans, ils ont laissé les barques et les filets et ont suivi Jésus. Maintenant que Jésus semblait les avoir lâchés, ils retournèrent en en Galilée, de nouveau aux filets et aux barques. Ils veulent recommencer leur vie.

Peut-être, après trois ans, ont-ils perdu l’habileté dans la pêche parce qu’ils n’ont attrapé aucun poisson. Puis la voix familière qui leur donnait l’ordre de faire la même chose qu’ils avaient faite trois années auparavant résonna de nouveau: jetez les filets a droite! Puis la reconnaissance immédiate: c’est le Seigneur! Mais cette fois Jésus ne les invite pas à devenir pêcheurs d’hommes. Il les invita simplement a manger du poisson cuit pour le goûter. Tandis que je médite sur ce passage de l’Evangile, je me demande: si Pierre et ses compagnons  n’ont rien pris toute la nuit, d’où Jésus a-t-il pris le poisson? Personne ne lui a demandé où il aurait pris le poisson. Ils étaient simplement heureux du fait de voir le Seigneur ressuscité. Il est important de se rendre  compte que parfois nous travaillons aussi durement et sans avoir apparemment de résultats positifs. Nous allons pêcher toute la nuit et nous ne prenons rien. Mais même si notre travail est infructueux, Jésus est là pour nous nourrir.

Après le gouter, Jésus dit à Simon Pierre: “Simon, fils de Jean, m’aimes-tu?” Pierre lui répondit : «Bien sûr, Seigneur, tu le sais que je t’aime ». Jésus lui dit : “pais mes agneaux”, “pais mes brebis”. L'unique manière par laquelle nous puisions prouver notre amour au Seigneur consiste à nourrir et faire paître les brebis et les agneaux de Jésus. Les apôtres avaient le pouvoir de le faire parce que Jésus les a nourris d’abord au cours de la dernière Cène et du Premier goûter. Ce que Jésus nous demande de faire, il l’ a fait le premier: “comme j’ai fait moi, ainsi devez-vous faire”; “aimez-vous les uns les autres comme moi je vous ai aimés.”

La meilleure manière de manifester notre amour pour le Seigneur c’est de devenir un bon pasteur comme Jésus, en nourrissant et paissant le troupeau de Dieu. Mais, qui sont les brebis du Seigneur? Ce sont les personnes confiées à nos soins. Ce sont tes étudiants. Ce sont les paroissiens que vous servez, les immigrés, les malades, les enfants des quartiers défavorisés, les enfants abandonnés. Mais n’oubliez pas que vos Sœurs aussi font partie du troupeau du Seigneur.

Une question qui me posait problème de la parabole du Bon Pasteur c’est: pourquoi laisser les quatre-vingt dix-neuf fidèles pour aller à la recherche de celui qui s’est égaré? C’est émouvant de se rendre compte que Dieu défie la logique humaine pour nous chercher quand nous sommes perdus. Mais qu’en est-il pour les quatre-vingt dix-neuf? Note bien que le pasteur ne les ramène même pas à la bergerie sains et saufs, avant de partir à la recherche de celui qui s’est égaré. Il les laisse sur la colline. Et si l'absence du pasteur a comme effet que davantage de brebis s’éloignent encore? Après tout, une s’est bien égarée en présence du pasteur parmi le troupeau. Combien d’autres brebis pourraient vagabonder maintenant que le Pasteur est parti? Mais j’ai compris que même si Jésus semble nous laisser tandis qu’il recherche les égarés, nous ne sommes jamais vraiment abandonnés. Il nous laisse avec le troupeau. Il nous laisse avec notre communauté, avec l’Eglise. Il nous laisse les uns avec les autres pour que nous puissions prendre soin de nous, les uns les autres, pour être pasteurs les uns pour les autres. Quand j’ai reçu l’assignation de Recteur du Séminaire Central dans les Philippines, les séminaristes ont choisi comme thème pour l'année : Des Frères faisant paître des frères. Je crois que ce fut un thème inspiré et stimulant, des frères qui guident les frères. Dans votre cas, des sœurs faisant  paître les consœurs. Comme prédicateurs de la Parole de Dieu, nous  devrions être en mesure d’inspirer, d’encourager et pourquoi pas convertir les autres, y compris nos consœurs.

Saint Augustin, dont nous célébrons aujourd’hui la fête, nous rappelle à tous dans la règle : Le motif essentiel pour quoi vous êtes réunis ensemble est que vous viviez dans l’unanimité dans la communauté et que vous n’ayez qu’une âme et qu’un corps en  Dieu. Notre charisme de prédication de l’Evangile nous rend pasteurs, mais un couvent ou une maison devient vraiment une maison de prédication et notre commune vie fraternelle devient une même prédication éloquente quand nous devenons des sœurs faisant paître des consœurs. Comme le rappelle un frère théologien: pour un dominicain la vie communautaire c’est le premier apostolat!

Chères soeurs, le Seigneur Jésus vous demande: "M’aimes-tu?" Puis il nous dit : Pais mes brebis, nourrissez-vous et aimez-vous les uns les autres.

 

Homélie du P. Gerard Timoner, Maître de l'Ordre,

pour la Messe d'ouverture du Chapître de la Province "B. V. del Rosario" d'Italie

18 Août 2020

 

Nous sommes réunis autour de la table de l’Eucharistie pour rendre grâces à Dieu pour tant de grâces qu’Il a données à nous et à nos communautés. Demandons aussi la grâce de l’Esprit Saint pendant que vous célébrez votre chapitre provincial.  

Saint Dominique est parmi les porteurs bienheureux de la Bonne Nouvelle à qui Isaïe rend hommage dans la première lecture : « Qu’ils sont beaux, sur les montagnes les pieds du messager qui annonce la paix, du messager de bonnes nouvelles qui annonce le salut, qui dit à Sion : « Ton Dieu règne. » ... » (Is. 52, 7).

La première lecture nous émerveille : pourquoi Isaïe fait-il l’éloge des beaux pieds de celui qui porte la Bonne Nouvelle ? De toutes les parties du corps qu’on peut admirer chez un prédicateur, pourquoi les pieds ? Pourquoi pas sa voix ? De toutes les choses que nous aurions du remarquer ou admirer chez un orateur ou prédicateur, comme la voix, ou une idée intéressante ou encore l’expression du visage, pourquoi les pieds ? l’Evangile de Matthieu, au chapitre dixième fait la lumière sur ce passage d’Isaïe qui n’est pas clair.

Après avoir appelé les Douze, Jésus leur donne les conseils apostoliques avant de les envoyer. Pour nous chrétiens ces conseils sont importants à mémoriser, spécialement pour nous Dominicains qui sommes les envoyés de Jésus mandatés pour porter la Bonne Nouvelle. C’est pourquoi ce qui capte immédiatement notre attention c’est l’urgence de prêcher l’Evangile. Ceux que Jésus envoie doivent voyager légèrement sans bourse ou sandales. Vers la fin de l’Evangile, nous écoutons l’ultime conseil apostolique : quand un apôtre expérimente le refus, il doit secouer la poussière de ses pieds tandis que les sandales, ou la tunique ou la bourse symbolisent les bonnes choses que nous aimons porter, la poussière sous nos pieds symbolise les souvenirs négatifs et toxiques que nous nous ne devrons pas porter, ni porter facilement les mélancolies de nos vies.

Jésus conseille à ceux qui sont envoyés prêcher l’Evangile, « secouez la poussière de vos pieds ». Si tous les chrétiens veulent devenir porteurs effectifs de la Bonne Nouvelle alors nous devons faire en sorte qu’aucune mauvaise nouvelle nous captive, aucun souvenir toxique ne puissent contaminer la bonté de l’Evangile. Les chrétiens qui ne risquent pas à secouer la poussière de leurs pieds sont ceux que le pape François appelle des chrétiens dont la vie est un carême sans Pâques. Comme nous dit Evangelium Gaudium nous pouvons prêcher l’Evangile d’une manière convaincante si nous le faisons avec joie ! Mais la demande demeure comment secouons-nous la poussière de nos pieds, comment pouvons-nous nous débarrasser des bagages toxiques ?

Le pape Benoît a dit que la meilleure voie pour la nouvelle évangélisation passe par la réconciliation. Le meilleur moyen pour guérir des relations fracturées et des cœurs brisés c’est la réconciliation. Jésus nous dit : si tu présentes ton offrande à l’autel et te rends compte que tu as quelque chose contre ton frère ou ta sœur, laisse ton offrande, va d’abord te réconcilier puis retourne présenter ton offrande.

Si la réconciliation n’est pas possible parce que l’autre personne est morte ou simplement refuse de se réconcilier, on peut encore secouer la poussière de ses pieds à travers le pardon. Un saint une fois a dit : « le pardon transforme les circonstances de péché en occasions de grâce. »

Jésus conseille aux porteurs de la Bonne Nouvelle de secouer la poussière de leurs pieds. A ce qu’il semble, les Apôtres trouveront difficile de secouer quelques souvenirs toxiques qui pourraient contaminer la Bonne Nouvelle de la Résurrection, Jésus  prit sur lui le devoir de  nettoyer leurs pieds de toute cette « poussière ». Voilà pourquoi durant la dernière Cène Jésus prit une serviette et une cuvette avec de l’eau et lava les pieds de ses apôtres Oui, ce fut un acte d’humilité et d’hospitalité. Mais ce fut aussi un geste qui a préparé les apôtres à proclamer la Bonne Nouvelle, sans contamination de quelque poussière.

Quand nous trouvons absolument difficile de pardonner, de se réconcilier ou d’abandonner un souvenir douloureux, demandons à Jésus de nous laver les pieds : Seigneur lave-moi les pieds, purifie-moi de toutes les poussières qui se sont accumulées dans les années. Seulement alors nous pourrons entendre les paroles d’Isaïe résonner dans nos oreilles. « Qu’ils sont beaux les pieds du messager qui annonce la paix, du messager de bonnes nouvelles qui annonce le salut, qui dit à Sion : « Ton Dieu règne »

Dans l’Evangile d’aujourd’hui, nous voyons Pierre, Jacques  et Jean qui rencontrent Jésus au cœur de leur faillite. Ils sont de braves pêcheurs, mais ils  n’ont pris aucun poisson après une nuit d’efforts pour pêcher. Mais après avoir obéi aux instructions de Jésus, ils prendront ainsi tant de poissons qui rempliront deux barques. Pierre se rend compte qu’un miracle a eu lieu provenant de la bienveillance d’une présence divine. Face à la présence de sainteté, Pierre se rend compte qu’il est un pécheur. Mais Jésus lui fait se souvenir qu’il n’est pas seulement un pécheur mais un pêcheur ; puis il lui offre une vocation plus haute, pour devenir un pêcheur d’hommes.

Jésus dit à Pierre : « N’aie pas peur : à partir de maintenant tu prendras des personnes. » le terme grec pour prendre, employé ici, est Zogron, employé rarement dans le Nouveau Testament, mais signifie « capturer vivant ». Naturellement, pêcher avec les filets est une question de capturer les poissons vivants, mais ces poissons vivants seront aussitôt morts. Ici Jésus appelle Simon et ses compagnons à une nouvelle vocation de capturer les personnes afin qu’elles puissent vivre, une vocation vivifiante celle d’être adjoints à la mission de salut de Dieu pour tous.

Souvent nous résistons à l’invitation de Jésus pour devenir une personne meilleure ou pour faire quelque chose, car cela ne nous semble t-il pas trop fou, trop peu pratique ? Combien de fois résistons-nous à l’invitation de Jésus pour nous immerger dans l’eau profonde de la suite du témoignage de Jésus parce que nous nous sommes convaincus que nous ne verrons aucun résultat ? cela ne pourrait-il pas signifier pour nous d’aller pêcher en eau profonde avec Jésus- d’ avoir confiance en lui et de le suivre hors de nos zones de sécurité, d’abandonner nos certitudes, d’avoir nos vies radicalement réorientées ?

Invitons Jésus à notre barque, invitons-le à notre Chapitre provincial même si nous sommes pêcheurs. Et puis écoutons Jésus qui nous dit : viens et suis-moi.